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Le bac, les Français, et la grande fiction de l’égalité

650.000 lycéens passent chaque année l’examen le plus coûteux sur la planète. Une grand-messe pour célébrer avec faste un fantôme : l’égalité républicaine.

Une enseignante distribue les sujets de philosophie aux élèves de terminale du lycée Henri IV, le 12 juin 2006 à Paris, au premier jour des épreuves du baccalauréat. (AFP)
Une enseignante distribue les sujets de philosophie aux élèves de terminale du lycée Henri IV, le 12 juin 2006 à Paris, au premier jour des épreuves du baccalauréat. (AFP)

Pourquoi la fuite d’un exercice à l’épreuve de maths du bac S suscite-t-elle tant d’émotion. Parce que le bac est chez nous un monument national. Deux fois centenaire, il se présente comme le garant de notre sacro-saint principe de l’égalité républicaine, offrant en principe le droit pour tout bachelier d’entrer dans l’enseignement supérieur.

Un trompe l’œil, pour ne pas dire un cache misère, qui, en fait, permet aujourd’hui surtout de sauvegarder les apparences : « Les copies anonymes, les sujets nationaux et l’égalité apparente de traitements entre les candidats entretiennent l’illusion quand les inégalités n’ont jamais été aussi importantes » explique Georges Solaux, chercheur en sciences de l’éducation et auteur d’un livre sur le bac. Et plus les inégalités se creusent dans notre système éducatif, plus il importe de préserver à tout prix de préserver cette fiction.

Une mascarade

Le bac est devenu une mascarade. Cette grand messe qui, cette année encore, a fait plancher plus de 600 000 jeunes, mobilisé pas moins de 138 000 correcteurs, avec quelques 4 millions de copies, le tout pour une addition des plus salées (entre 150 et 300 millions d’euros selon les calculs -ce qui en fait, soit dit en passant, l’examen le plus cher au monde. Et si ça marche, c’est que l’idée que les examens ou concours, anonymes, offrant les mêmes épreuves à tous sont « justes », équitables résiste. Comme si les élèves d’Henri IV, triés sur le volets, dopés aux petits cours, coachés par des profs chevronnés envoyés régulièrement en séjours linguistiques concouraient à chances égales avec ceux d’un bahut du 93, préparés par des enseignants fraîchement sortis des concours, parfois obligés de bosser pendant l’année pour faire bouillir la marmite.

Tout se joue en réalité, avant le bac. Dès le 9 juin dernier, les futurs candidats avaient reçu une première proposition d’orientation dans le supérieur qui n’est pas conditionnée à cet examen. Dès la seconde où les lycéens doivent choisir entre les différentes filières, sans possible retour en arrière. Il n’y a pas un bac, mais des bacs. Nous sommes l’un des rares pays à obliger les adolescents à opérer si tôt un choix quasi irréversible. Une soi-disant orientation qui n’est qu’une sélection. Elle n’est pas fondée sur les goûts ou envies des lycéens, leurs aptitudes en général mais sur leurs résultats en sciences. Le bac S, est une sorte de super bac, le seul qui donne accès à toutes les filières du supérieur et surtout aux plus recherchées, médecine, gratin des grandes écoles etc. « La série S fonctionne comme une filière de sélection pour l’accès à l’enseignement supérieur (…) Elle accueille non seulement les meilleurs scientifiques mais aussi les meilleurs littéraires » constate un rapport de l’inspection générale. C’est aussi le pré carré des enfants issus des milieux les plus favorisés. Vous avez dit égalité républicaine ?

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