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La passion selon Saint Matthieu

Nous entamons aujourd’hui une série de plusieurs articles autour des Passions de Jean-Sébastien Bach, en commençant par une première partie autour de la Passion selon saint Matthieu. Rappelons pour commencer que les passions, ou oratorios de la Passion, sont des oratorios sacrés relatant l’histoire de la mort de Jésus : le dernier repas (la cène), la veillée, l’arrestation, l’interrogatoire et enfin la crucifixion. Notons que le mot “passion” est à comprendre son l’acception ancienne, c’est-à-dire dérivée du latin patior qui signifie endurer, souffrir et éprouver des états dans lesquels l’individu est passif. Le mot a ensuite dérivé pour arriver au mot actuel signifiant que l’on a une émotion indépendante de soi (une passion pour quelque chose). De nombreuses passions ont été écrites dans l’histoire de la musique, mais les plus connues restent celles composées lors de la période baroque : Schütz (1660, trois passions), Haendel (3 passions), Bach (4 passions, dont seulement 2 nous sont parvenues intégralement) ou encore Telemann (52 passions !). Par la suite, plusieurs compositeurs ont bien entendu écrit des œuvres sur la passion du Christ, mais aucune n’est aussi célèbre que les œuvres baroques. Jean-Sébastien Bach (1685 – 1750) a écrit une passion selon chaque évangile, mais seules celles d’après saint Matthieu (BWV 244) et saint Jean (BWV 245) nous sont véritablement parvenues ; la passion selon saint Luc (BWV 246) que l’on peut trouver dans des éditions commerciales aurait été faussement attribuée à Bach, tandis que de la passion selon saint Marc jouée de nos jours (BWV 247) serait bien de Bach mais seul un mouvement aurait vraiment survécu au temps, le reste ayant été ajouté ou arrangé. Comme les passions selon saint Jean et saint Matthieu sont particulièrement abouties, on les considère en général comme les seules véritables œuvres de ce genre écrites par Bach. Par ailleurs, elles ont profité d’un regain d’intérêt lors de la période romantique qui les a placées comme des œuvres de références dans leur genre, dans la musique sacrée, voire dans la musique en général. Pour beaucoup d’amateurs, la passion selon saint Matthieu fait indéniablement partie des plus belles œuvres jamais composées (comme beaucoup de musiques présentées sur ce site !).

Nous présenterons dans l’article d’aujourd’hui la passion selon saint Matthieu dans son ensemble, sans vraiment entrer dans la structure ou les détails ; les prochains articles présenteront les différentes parties de l’œuvre, puis nous écouterons la passion selon saint Jean ; enfin ces passions seront “comparées” dans un autre article. La passion selon saint Matthieu a donc été composée entre 1727 et 1729 et aurait été créée à l’occasion du Vendredi Saint le 15 avril 1729. Les allemands la connaissent sous le nomMatthaüspassion, tandis que le manuscrit comporte le titre en latin Passio Domini nostri Jesu Christi secundum Evangelistam Matthaeum. Portant une émotion peu appréciée par la piété austère du public de l’église saint Thomas de Leipzig où Bach officia de 1723 à sa mort en 1750, l’œuvre fût oubliée durant près de 100 ans avant d’être re-créée avec un grand succès par Félix Mendelssohnen 1829 à Berlin. De nos jours, tous les grands chefs d’orchestre ont joué cette œuvre ; il s’agit d’une œuvre monumentale qui dure presque 2h45, articulée autour du récit de saint Matthieu, chanté sous forme d’une psalmodie par un ténor (l’Evangéliste). Autour de ce récit sont construits différents types de mouvements :

  • les grands chœurs (introduction et final), destinés à introduire le drame à l’auditeur et à conclure l’œuvre
  • les chorals : chantés par l’ensemble des choristes , ils symbolisent les pensées de croyants ayant compris le récit ; les chorals de la passion selon saint Matthieu sont écrits par le librettiste Picander.
  • les airs (ou arias) : chantés par les différents personnages lors des tournants du récit, sont généralement introduits dans le récit de l’évangéliste par un récitatif psalmodié ; ils ont pour rôle de décrire les émotions des protagonistes du drame.
  • les chœurs “spontanés” : s’inscrivant totalement dans le récit de l’évangéliste, ils symbolisent les réactions de la turba, c’est-à-dire la foule, généralement des soldats ou du peuple juif. Les chœurs de turba se différencient parfaitement des chorals par leur forme beaucoup plus spontanée et beaucoup moins douce. Ils sont souvent très courts mais certains recèlent de véritables merveilles cachées (ex. “Wahrlich dieser ist Göttes Sohn gewesen”dans la dernière partie de l’œuvre qui sont parmi les plus belles mesures jamais composées). Nous reviendrons sur ces chœurs dans l’étude détaillée des parties de l’œuvre.

Notons que Bach a composé la passion pour deux chœurs, qui chantent soient de manière séparée, soit ensemble, soit à l’unisson ; on remarquera particulièrement leur présence dans le premier grand chœur d’introduction. La passion se divise en plusieurs grands épisodes autour de deux grands chœurs célèbres (introduction et final).

  1. L’épisode du parfum (2 à 10)
  2. La cène (le dernier repas) (11 à 19)
  3. La veillée et l’arrestation au mont des Oliviers (20 à 35)
  4. L’interrogatoire de Jésus et le reniement de Pierre (36 à 48)
  5. La condamnation (49 à 61)
  6. La crucifixion (62 à 78)

Le découpage généralement admis en deux parties sépare les 3 premières scènes des trois suivantes. Chacun des épisodes sera commenté en détail dans les articles à venir, mais en attendant nous vous invitons à écouter l’œuvre dans sa quasi-intégralité dans une belle version dirigée par Karl Richter (les plus pressés pourront n’écouter que le premier et le dernier chœur, qui devraient leur donner envie d’écouter le reste !) :

Voici une sélection d’interprétations de la passion selon saint Matthieu, parmi lesquelles se trouve la version Karl Richter en écoute sur ce site :

  1. Version Philippe Herreweghe – Collegium Vocale Gent (avec Andreas School) : comme toujours la version Herreweghe est un enregistrement de grande qualité sonore, dans une version très dynamique
  2. Version Karl Richter : cette version de 1958 est celle qui est en écoute sur le site ; malgré l’âge, la qualité sonore reste très bonne ; cette sublime version annonce la redécouverte romantique des œuvres baroques dans la 2ème moitié du 20ème siècle. A posséder !
  3. Version Herbert von Karajan – Berliner Philharmoniker : une version “controversée” et déroutante mais cependant appréciée de beaucoup ; tempo très lent, sonorités éloignées de la musique baroque, etc.
  4. Version Klemperer : version plus romantique que baroque, mais d’une grandeur fascinante

Le livret de l’œuvre (textes + traduction en français) est disponible en PDF : Livret et traduction de la Passion selon saint Matthieu BWV 244 de Bach (source: Ensemble Orchestral de Paris). Comme toujours, les musiciens trouveront partitions libres de droit (au format PDF) et fichiers MIDI de l’oeuvre en téléchargement sur le site de l’IMSLP (http://www.imslp.org/wiki/St._Matthew_Passion,_BWV_244_(Bach,_Johann_Sebastian)), et surtout sur la Choral Public Domain Library :http://www.cpdl.org/wiki/index.php/Matth%C3%A4uspassion%2C_BWV_244_(Johann_Sebastian_Bach).

Article publié sur musiquedujour.com.

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