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En à peine deux ans, le nombre d’usagers des microblogs en Chine a atteint 200 millions. Mais ce succès colossal inquiète au plus haut point les autorités chinoises, qui ne parviennent pas à censurer efficacement leurs messages instantanés. Mardi, Pékin semblait même préparer l’opinion pour leur éventuelle interdiction (Twitter étant déjà prohibé). L’agence Chine nouvelle a en effet appelé à exterminer « le dangereux cancer » des rumeurs qui circulent sur les microblogs. Ceux-ci sont comparés à une « étincelle »capable de « faire exploser » la prolifération des « fausses informations », avertit l’agence. « Concocter des rumeurs est une maladie sociale et leur diffusion sur Internet représente une menace sociale massive », jugent les autorités qui concluent : « Nous devons purger le sol sur lequel poussent ces rumeurs. »
L’hystérie officielle s’explique par les camouflets retentissants adressés au gouvernement via les microblogs – notamment Weibo – dans deux affaires récentes. La collision entre deux TGV le 23 juillet à Wenzhou (40 morts, 192 blessés) et l’empressement des autorités à détruire les carcasses des trains, alors qu’au moins un blessé (une fillette) se trouvait encore à l’intérieur, ont déclenché la colère et l’écœurement des internautes. Des millions, voire des dizaines de millions, de « tweets » critiquant les autorités ont déferlé sur Weibo et les autres microblogs. Des reproches d’autant plus cuisants que jusqu’alors l’Etat présentait avec orgueil, comme un emblème de son efficacité, la construction d’un réseau de TGV. « Le gouvernement est déterminé à laver cet affront », a confié un officiel à un homme d’affaires français.
Les microblogs ont également joué un rôle central dans la mobilisation, le 14 août, des habitants de la ville de Dalian (nord-est). Environ 50 000 personnes ont manifesté pour exiger le déménagement d’une usine chimique. Paniqué, le secrétaire local du Parti a accepté leurs revendications sur le champ. Afin d’escamoter cet autre « affront », une censure nationale a été imposée dès le lendemain sur ces événements. Après des délibérations qu’on devine houleuses au politburo, il a été décidé de renforcer la censure des microblogs.
Le 24 août, Liu Qi, membre du politburo – le bureau politique du parti communiste -, s’est rendu au siège de Weibo avec une douzaine d’autres officiels pour y morigéner son PDG, Charles Chao. Selon un témoin présent, Liu Qi a ordonné à Weibo d’« arrêter immédiatement la diffusion des informations fausses et trompeuses » et de faire en sorte que les abonnés« se concentrent sur la beauté de la culture traditionnelle chinoise ». Ces appels à renforcer la censure n’ont pas été bien accueillis par l’entreprise, qui est déjà contrainte par les autorités de salarier plus de 500 censeurs. Pour identifier une « rumeur », s’est plaint un responsable de Weibo au représentant du politburo, il faut plus de deux heures…
La « grande muraille électronique » chinoise compte au minimum 40 000 censeurs. En mai, Pékin a inauguré un très secret « centre de commandement » à l’échelle nationale. Mais toutes les entreprises internet doivent embaucher des censeurs. Jeffrey Zheng, un responsable de Renren, le Facebook chinois, a expliqué en février à la presse de Hongkong que 500 censeurs salariés par son groupe opéraient depuis un immeuble dédié et situé à Wuhan (centre). « Si on n’arrive pas à tout censurer, a-t-il précisé,l’Etat convoque notre PDG. »
Paru dans Libération le mercredi 31 août 2011.
Article publié sur ecrans.fr.